Le "fossé"



Dans le pays de Caux on désigne par son contraire le talus qui entoure les clos car fait de la terre relevée de fossés intérieurs et quelquefois extérieurs qu'on ne perçoit parfois même plus. Des paires d'arbres sont plantées sur ce talus. Les cauchois désignent donc par "fossé" l'ensemble fossés virtuels, butte et arbres.
"Immobile derrière le fossé, il l'observait" (Le petit fût, Maupassant)
Ce travail était exécuté par des journaliers qui acquéraient alors un droit de culture potagère sur les flancs internes, où la terre est souvent d'une extraordinaire qualité.
 Les fermiers assez riches pour se payer cette main d’œuvre évitaient cette servitude et arboraient alors des "fossés en herbe" signe de leur aisance.
 Ici le "fossé" est doublé d'une barrière protectrice particulièrement efficace, en hiver, elle filtre, casse et relève les flux d'air qui glissent sur les toits pour s'épuiser dans la cour.
 Dans les carrés cauchois classiques des paires de hêtres sont plantés au sommet des fossés. Mais ici, à 180m du bord de la falaise, aux équinoxes,  des rafales salées peuvent griller la végétation, et les hêtres poussent difficilement. D'autres essences ont été plantées "en terre" c'est à  dire à l'intérieur du clos.
 En hiver, alors que, sur le plat des falaises, le marcheur lutte contre le vent, sitôt franchi l'entrée du clos, le flux d'air est interrompu offrant au visiteur un calme surprenant.
 En été, ce mur de verdure crée un premier cercle d'intimité autour de la maison.
 On comprend que les occupants y aient développé un fort sentiment de propriété qui se traduit d'ailleurs pas tout une série de dispositions de droit local propres aux clos du pays de Caux: "le fossé vaut mur" et délimite un espace de droit identique à celui du domicile.
  Vers 1970, par méconnaissance de ce que désigne "masure" en Normandie ces clos ont été appelés "clos masures" par des urbains et des administratifs découvrant ce qui n'était ignoré que d'eux mêmes.
 Les derniers clos normands complets sont en train de disparaître, ils correspondaient à une organisation paysanne qui a disparu.
  Mal adaptés à l'agriculture et à l'élevage mécanisés, trop grands pour être des résidences principales, trop agricoles pour  devenir des résidences secondaires, ils ne disposent pas d'une case administrative à cocher et font les délices de règlements contradictoires qui précipitent leur fin.